Comme on me l’a rappelé récemment, j’ai atteint l’âge vénérable de 50 ans. Et dans mon corps, cet âge vénérable s’exprime par – à ce qu’on m’a dit – « le moment ou il faut porter des poids pour faire de la masse». M’étant sévèrement bloqué le dos récemment, je me suis acheté un abonnement en salle de sport; le premier de ma vie et j’ai bon espoir de l’amortir.

Donc, je cours sur un tapis comme un petit hamster, je pédale sur un vélo en pensant aux triplettes de Belleville.

Et marchant sur ce tapis, mes yeux sont allés chercher nourriture sur un écran qui diffusait un combat de boxe thaï. Deux jeunes hommes élancés et puissants s’empoignaient dans une sorte de danse au corps à corps, dans une cage en filet. Je n’avais jamais vu cela de toute ma vie. L’un d’eux, jeune et très énervé, haranguait l’autre, le provoquait, l’excitait comme on excite un taureau dans une corrida. C’était clairement une petite frappe qui voulait en découdre.

Cela m’a fait songer au très puissant film de Clint Eastwood « One Million Dollar Baby ». Il y avait dans cette scène qui défilait devant mes yeux quelque chose de similaire. Cette folie furieuse et inconsciente de ce jeune rempli de colère, plus attendrissant que l’autre d’ailleurs, qui semblait être lent à réagir mais plus cruel.

Dans le film de Clint Eastwood, Maggie trouve dans la boxe un exutoire lui permettant à la fois d’établir son premier lien d’amour paternel avec Frankie, qui l’entraine, canalisant sa force, sa hargne et sa colère dans des combats loyaux dont elle apprend les règles. Elle en sort systématiquement victorieuse, malgré l’absolue fragilité qui l’habite. Hilary Swank incarne Maggie avec humanité et l’âme transpire de vérité dans son personnage. Et ce matin, donc, marchant sur mon tapis de hamster, je retrouve ce jeune homme, ce Maggie au masculin, au moins aussi fragile et d’une puissance tout aussi surhumaine à la taille – sans doute – des souffrances de son passé.

En pédalant sur mon vélo, ma contemplation s’est arrêtée sur d’autres rouages de la mécanique des sports publics d’intérieur. Toute entourée de miroirs ou des haltérophiles peuvent voir leur masse musculaire gonfler dans l’effort, je faisais pour ma part mon focus sur une sorte de flou gaussien. Rien à déclarer, nada: le rouge pivoine de mes joues je le sens bien et je m’en fous, merci. Avec les Young Dubliners à fond dans les oreilles je suis joyeuse, inspirée et optimiste.

C’est comme si chacun dans son petit coin, tentait de lustrer son poil et le faire briller en jetant de rapides coups d’œil inquiets dans la glace. Certains se mirent, d’autres s’évitent. Et pour quelques uns, venir à la salle c’est synonyme de souffrir. De se flageller d’efforts surhumains. D’en baver grave.

Alors je me dis que finalement, peut-être qu’il faut prendre un peu de hauteur, et penser un peu plus comme une plume légère et joyeuse au milieux des tous ces poids que l’on rajoute pour toujours progresser.